dimanche 23 décembre 2012

608. Crimson

L'autre jour dans le métro, un jeune homme en jean un peu crade, grosses bottes de motard et blouson de cuir transportait un tutu de sylphide, rouge et très long.

Je ne sais pas si c'était à lui ou s'il l'apportait à quelqu'un d'autre, mais il l'avait plié sur son bras, juste à hauteur de sa taille, et de temps en temps, il se regardait dans la vitre du wagon, l'air de rien.

Parce qu'après tout, qui n'a jamais eu envie de voir quelle tête on aurait, juste comme ça, vêtu de mètres et de mètres de tulle écarlate ?

dimanche 16 décembre 2012

607. Choses transparentes

L'aube -- Une chemise en mousseline blanche -- Certains instants où rien n'est masqué, rien ne manque ; et qui resteront ensuite dans le fil de la vie, comme des pierres au fond d'un étang -- La voix de Jeff Buckley -- C'est physiquement erroné, bien entendu, mais l'air juste autour de la flamme d'une bougie semble plus transparent qu'ailleurs -- L'avidité -- Certains passages de livres -- La vodka -- Les icebergs, gros comme des collines, mais dont le bord s'amenuise, passant du bleu au blanc puis au cristal, lisse ou dentelé, et parfaitement translucide -- La peau de l'intérieur du poignet -- Le temps.

dimanche 9 décembre 2012

606. Rue Volney, 15h47

Parfois j'aime bien les grandes villes
car quelles sont les chances que jamais
au coin de cette rue ou de celle-là
quelqu'un ne se soit tenu un jour mains tremblantes
le coeur au bord des lèvres -- se disant
j'ai trouvé l'amour

dimanche 2 décembre 2012

605. Le hussard sur le toit

Le hussard sur le toit
Jean Giono
Folio Plus

Le petit vitrail commença à transmettre par le tremblement de ses verres dans leurs cercles de plomb une sorte d'agitation qui bougeait dans les profondeurs de l'église. Les grandes portes sur lesquelles ont avait vainement frappé la veille s'ouvrirent. Angelo vit s'aligner sur la place des enfants vêtus de blanc et qui portaient des bannières. Les portes des maisons commencèrent à souffler quelques femmes noires comme des fourmis. D'autres venaient par les rues qu'il voyait en enfilade. Au bout d'un moment, en tout et pour tout, ils devaient être une cinquantaine, y compris trois prêtres recouverts de carapaces dorées qui attendaient. La procession se mit en marche en silence. La cloche sonna longtemps ses coups espacés. Enfin, les bannières blanches apparurent sous les amandiers gris, puis les carapaces qui, malgré l'éloignement, restèrent dorées, puis les fourmis noires. Mais, pendant que tous ces petits insectes gravissaient lentement le tertre, le soleil se leva d'un bond. Il saisit le ciel et fit crouler en avalanche des plâtres, des farines qu'il se mit à pétrir avec ses longs rayons sans iris. Tout disparut dans cet orage éblouissant de blancheur. Il ne resta plus que la cloche qui continua à sonner à grands hoquets ; puis elle se tut.

J'ai déjà un peu parlé de ce livre, ici et ici.

Le fait est que c'est l'un de mes livres préférés, de ceux que je relis régulièrement avec à chaque fois des surprises. Il faut aimer les descriptions, cependant, et avoir le coeur bien accroché -- il s'agit quand même de la description d'une épidémie de choléra dans la Provence du 19ème siècle.

Le personnage principal, Angelo Pardi, porte le livre à lui tout seul, et c'est l'une des meilleures études de "héros" que j'aie jamais vu -- sans aucune emphase et au contraire avec un second degré assez génial de la part de l'auteur. Le personnage féminin, ceci dit, est tout aussi attachant, même si elle a moins de place dans le livre (parce qu'elle arrive plus tard, non parce qu'elle a un rôle secondaire ou moins d'importance).

Et comme en témoigne le passage ci-dessus, c'est écrit de manière parfaitement extraordinaire ; à lire un jour gris et froid, pour mieux apprécier les mille et une façons de décrire la chaleur et le soleil.